De la grande coupe dans l'amas de formulaires Cerfa au bulletin de salaire simplifié, Bruno Le Maire et l'exécutif ont battu le pavé pour vanter la loi anti-paperasse présentée au Parlement. Ses résultats devraient être limités.

Bruno Le Maire, le 30 mai 2024, à Paris ( AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT )
Bulletin de paie simplifié, formulaires Cerfa supprimés, "tests PME"... Bercy lance ses grands chantiers de la simplification économique avec un texte de loi soumis lundi au Sénat, qui accueille sans grand enthousiasme ces multiples mesures techniques censées faciliter la vie des entreprises. "La simplification est l'exception, elle doit devenir la règle. C'est très souvent une question de survie pour nos TPE et nos PME", martèle le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Pour débarrasser les entreprises de "la paperasse" et "débureaucratiser" l'administration, le gouvernement promet de revenir chaque année devant le Parlement avec un projet de loi faisant la chasse aux normes. Première étape à partir de lundi dans l'hémicycle de la chambre haute, où un vote solennel est prévu le 11 juin.
Le Sénat, dominé par une opposition de droite et du centre, devrait adopter la réforme sans grande difficulté, malgré certaines frustrations. "Ce n'est pas le grand soir de la simplification", reconnaît d'emblée le sénateur Les Républicains Rémy Pointereau, président d'une commission spéciale qui a examiné le texte au pas de charge ces derniers jours.
"On est en train de vider l'océan de normes à la petite cuillère", ajoute-t-il auprès de l'AFP, tout en épinglant les "effets d'annonce" derrière le grand plan d'action dévoilé par Bercy à la fin du mois d'avril.
"De la cosmétique"
Principale cible des sénateurs, la simplification emblématique du bulletin de paie, que Bruno Le Maire entend raccourcir à une quinzaine de lignes contre 55 actuellement, pour privilégier les grandes masses et clarifier le document.
Le ministre assure que cela "allègera" la tâche des entreprises, mais les parlementaires en doutent, car celles-ci devront conserver les données détaillées et les mettre à la disposition du salarié. Une charge administrative que Bercy compte certes confier au portail national des droits sociaux, mais seulement à l'horizon 2027.
D'ici là, "ce sera double travail" pour les entreprises, ont épinglé de nombreux sénateurs. "C'est de la communication ou de la cosmétique. Je n'ai pas croisé une seule personne qui m'a dit que c'était une bonne idée", s'agace le centriste Yves Bleunven, corapporteur sur le projet de loi.
Si la simplification du bulletin de paie est d'ordre réglementaire, les modalités sous-jacentes de transmission de données aux salariés font l'objet d'un article dans le texte, que le Sénat a supprimé en commission et que Bercy tentera de rétablir en séance publique.
Autre ambition gouvernementale, l'élargissement des rescrits, ces actes dans lesquels le fisc clarifie l'application de telle ou telle mesure pour éviter des problèmes ultérieurs. Ou encore la suppression des 1.800 formulaires Cerfa et le passage au peigne fin des 2.500 autorisations administratives qui alourdissent le quotidien des entreprises.
Pour accomplir une partie de ce chantier chronophage et extrêmement technique, le gouvernement souhaite avoir les mains libres et demande au Sénat une habilitation à réformer par ordonnances, ce qui irrite les parlementaires.
"On nous demande des habilitations aux contours très imprécis sur 18 ou 24 mois, cela n'est pas respectueux du Parlement", a regretté la sénatrice LR Catherine Di Folco. Sur ce dossier, Bercy promet de la "pédagogie", quitte à inscrire dans la loi certaines mesures en détail.
Compensation environnementale
Beaucoup plus consensuelle, l'instauration de "tests PME", un mécanisme visant à évaluer en amont l'impact de toutes les normes sur les entreprises, permettra au Sénat de réintroduire un dispositif déjà voté en son sein, avec l'approbation du gouvernement.
Accueilli avec optimisme et espoir par les organisations patronales, le projet de loi comporte peu de mesures très politiques, mais ravivera tout de même quelques clivages droite-gauche à la chambre haute.
Le gouvernement propose ainsi de retarder le moment où les petits patrons devront prévenir leurs salariés d'une vente à venir de leur fond de commerce, un mécanisme de transparence que la droite veut tout bonnement supprimer et que la gauche tentera de renforcer.
Pour faciliter l'implantation de nouveaux projets, les modalités de compensation environnementale demandées aux entreprises seront également assouplies.
"C'est inacceptable et dangereux. Sous couvert de simplification, on voit bien l'envie de détricoter la démocratie environnementale", s'indigne l'écologiste Thomas Dossus. "Cela correspond totalement à l'ambiance du moment vis-à-vis des normes environnementales", s'inquiète de son côté le socialiste Michaël Weber.
10 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer